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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 96

Le mercredi 25 novembre 1998
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 25 novembre 1998

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Michel Charles Émile Trudeau

Hommages

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, la semaine dernière, les Canadiens de partout au pays ont partagé la peine de la famille de Michel Trudeau, qui a perdu la vie au cours d'une avalanche alors qu'il skiait avec des amis dans la magnifique région montagneuse du parc provincial du glacier Kokanee, en Colombie-Britannique.

Le fait que M. Trudeau était premier ministre du Canada au moment où son épouse Margaret a donné naissance à leurs enfants a donné un éclairage un peu particulier à cette tragédie très privée. Il y a eu de nombreuses manifestations d'empathie de la part de grand-parents et de parents, de frères et de soeurs qui ont tous compati au chagrin ressenti au moment de la perte d'un enfant chéri. Dans le cas présent, le jeune Michel a vécu pendant 23 ans, plein de dynamisme, de bonheur et de liberté. De défis en aventures, il a exploré les merveilles de notre magnifique pays.

Comme ses deux frères, Michel a vécu dans un environnement très positif et plein d'amour créé pour eux par leurs parents. Vendredi dernier, ils étaient tous réunis à Montréal pour lui transmettre un vibrant adieu au cours d'un service commémoratif émouvant. Ils étaient entourés de vieux amis et d'un groupe de jeunes gens, des camarades des trois fils Trudeau.

En tant que Canadiens, nous nous sommes rendu compte que nos dirigeants font un peu partie de nos expériences de vie personnelles. Dans le chagrin, nous faisons tous partie d'une même grande famille. À ce titre, nous transmettons nos plus sincères condoléances à Pierre Trudeau et Margaret Kemper et à leurs deux magnifiques fils, Justin et Sacha, ainsi qu'à tous les membres de leur famille, à la suite de cette perte inexprimable. Puissent-ils se réconforter en pensant que Micha vivra toujours dans nos souvenirs.

[Français]

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, permettez-moi un instant d'attirer votre attention sur un événement qui a bouleversé tous les Canadiens, où qu'ils et elles vivent au pays. Le décès tragique, le 13 novembre dernier, de Michel Trudeau, le benjamin des fils du Très honorable Pierre Elliott Trudeau.

Ce décès dans des circonstances aussi pénibles interpelle nos convictions intimes et la foi de chacun d'entre nous.

Pourquoi le destin a-t-il ravi Michel Trudeau, à son père, à sa mère, Margaret, à ses frères, Justin et Sacha, à ses demi-frères et soeurs, à sa famille et ses amis et amies? Cherchons la réponse dans le sens que nous donnons individuellement à nos vies et à l'importance que notre famille immédiate y occupe.

Au-delà de l'amour filial et paternel, il y a la profonde conviction que M. Trudeau, tout au long de sa vie publique, a tenu bien haut son engagement à témoigner de ses valeurs personnelles.

En guise de soutien dans des moments aussi difficiles, puis-je lui soumettre ces propos du poète français Charles Péguy:

 

[...] L'essentiel n'est pas, l'intérêt n'est pas, la question n'est pas que telle ou telle politique triomphe, mais que dans chaque ordre, dans chaque système, chaque mystique, cette mystique ne soit point dévorée par la politique issue d'elle.
Oui, honorables sénateurs, «que la mystique ne soit point dévorée par la politique». Voilà le défi de la vie publique qui nous interpelle autant, sinon davantage, dans nos vies privées. «Que la mystique ne soit pas dévorée par la désespérance tragique». En ce moment particulier, M. Trudeau doit affronter le défi le plus important qui soit: le sens profond à donner à la vie.

Et Péguy de poursuivre, dans son poème Le Porche du mystère de la deuxième vertu, et je cite:

Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance. Et je n'en reviens pas. Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout. Cette petite fille espérance. Immortelle.

En ces instants de douleur, honorables sénateurs, puissentM. Trudeau et les siens retrouver, dans l'espérance, la paix et la quiétude du coeur et de l'âme.

[Traduction]

(1350)

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, les Grecs avaient-ils raison? «Courage», écrivit un jour Eschyle, «la souffrance, quand elle atteint son paroxysme, ne dure qu'un moment.» Mais, honorables sénateurs, les Grecs avaient-ils raison?

Un grand maître, qui était également rabbin, se sentant sur le point de mourir, décida de faire de sa mort une leçon. Ce soir-là, le rabbin se munit d'une torche et partit vers la forêt en compagnie de son élève préféré. Arrivé au milieu des bois, le rabbin éteignit sa torche sans dire un mot. «Que se passe-t-il?», lui demanda son élève. «La torche s'est éteinte», répondit le rabbin en s'enfonçant dans la forêt. «Mais», s'écria l'élève frappé de frayeur, «vous n'allez pas me laisser dans le noir?» «Non, je ne te laisse pas dans le noir», répondit-il de l'obscurité environnante, «je te laisse en quête de la lumière.»

Ainsi en est-il du décès prématuré de Michel Trudeau, qui nous a tous laissés en quête de la lumière. Ce dont nous sommes certains, c'est que le feu qui animait le jeune Michel et qui trop vite s'est éteint brûlera à tout jamais au plus profond de tous ceux qui l'on vu grandir ou qui ont vécu en sa compagnie, ne serait-ce qu'un instant.

Hélas, honorables sénateurs, les mots ne sont qu'imperfection, inexactitude, impuissance. Les mots ne sont qu'une piètre consolation face à la mort d'un enfant. Pourtant seuls les mots permettent de franchir l'abîme d'une telle perte.

Spinoza a écrit que la sagesse, ce n'était pas de réfléchir sur la mort, mais sur la vie. Ainsi nous nous souvenons de la curiosité et du courage de Michel, de la fascination qu'exerçaient la nature, la mer et la montagne sur son corps et son esprit jeunes et actifs.

Albert Camus, ayant perdu ses enfants dans un accident, s'efforçait d'oublier sa douleur. Plus tard, il écrivit:

 

Mais parfois, au beau milieu de la nuit, leurs blessures se rouvraient. Soudain éveillés, ils en touchaient les lèvres béantes, ravivant leur douleur et le visage ravagé de leur amour.
Les mots, de simples mots, peuvent-ils apaiser le chagrin immense de sa famille, de son père, de sa mère, de ses frères, de ses soeurs? Que dire de la disparition d'un fils à qui on ne peut laisser son sceptre? Suffit-il de dire: «J'ai accompli mon oeuvre, il a accompli la sienne»? Non. Suffit-il de dire: «Malgré une telle perte, tout n'est pas perdu»? Suffit-il de dire: «Nous sommes ce que nous sommes»? Non.

Ce décès serait-il une occasion de s'interroger sur le sens de la vie et de la mort? Peut-être. Mais il est possible d'entendre, dans la vallée, pleurer les anges.

Les Grecs nous ont marqués. Sophocle a écrit:

 

Les longs jours réservent beaucoup plus de chagrin
que de joie [...] La mort au moins délivre.
Mieux vaut ne jamais voir le jour [...]
Mais si l'on vit, mieux vaut
Quitter vite cette terre et retourner d'où l'on vient [...]
Indulgent, Eschyle a écrit:

 

Dieu, dont la loi veut que celui qui apprend souffre.
Même dans le sommeil, la douleur qu'on ne peut oublier
Tombe goutte à goutte sur le coeur
Et dans notre désespoir, contre notre gré,
Par la grâce terrible de Dieu, nous vient la sagesse.
Honorables sénateurs, pourquoi ressentons-nous si vivement leur perte et leur douleur? Se pourrait-il qu'un moment de tendresse, dans le souvenir que nous gardons des choses passées, nous soit ravi si subitement et si brutalement? Nous en sommes diminués et ne pouvons que prier pour mieux comprendre, ne serait-ce que pour nous réconforter.

Je me permets de rappeler que dans sa jeunesse, saint Viateur, d'après la légende, en raison de ses nombreuses grandes vertus, était fort apprécié par ses aînés, en particulier par son mentor, saint Juste.

Nous prions donc pour Pierre, Margaret, les frères et soeurs. Qu'une douce paix ramène vivement l'âme de Michel dans le «sein d'Abraham», amen. Mors omnibus communis.

 

Crime et châtiment

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui sur une question que j'ai déjà traitée souvent, aussi bien au Sénat qu'à l'autre endroit: le crime et le châtiment.

Au cours du récent congé, j'ai rencontré quelques amis qui sont membres de services policiers en Colombie-Britannique. Ils m'ont dit se sentir constamment frustrés de ne pouvoir compter sur l'appui du système judiciaire et du gouvernement. La hausse des actes criminels visant des biens personnels et le fait que notre système judiciaire ne fait rien pour que des sentences plus rigoureuses soient imposées pour de tels actes n'est qu'un exemple du manque d'appui.

L'incidence des crimes contre la propriété, en particulier les introductions par effraction, augmente de façon constante depuis deux ans. Au premier rang pour le nombre des introductions par effraction vient malheureusement ma province, la Colombie-Britannique. L'introduction par effraction est un délit grave. Outre la perte de biens, elle suppose l'invasion de son espace personnel. Elle laisse les victimes extrêmement fâchées et, ce qui est plus important encore, craintives. Quiconque a été victime d'un tel délit sait à quel point on se sent ensuite vulnérable.

Ce qui n'est pas nouveau pour moi, mais qui risque de choquer mes collègues sénateurs, c'est que 40 p. 100 des introductions par effraction sont commises par des jeunes de 12 à 17 ans. Mes amis qui travaillent pour le maintien de l'ordre croient que ce pourcentage est en fait plus élevé que ne le montrent les statistiques.

Le plus troublant, toutefois, c'est que 39 p. 100 seulement des jeunes qui sont reconnus coupables sont vraiment condamnés à la prison. Le taux d'emprisonnement des adultes reconnus coupables des mêmes délits approche les 80 p. 100, ce qui reflète mieux, à mon avis, la gravité de ces délits.

Les services de police de tout le Canada critiquent le ministère de la Justice, lui reprochant d'avoir adopté la politique de graciation du ministère des Pêches et des Océans. On prend les criminels, puis on les libère et ils sont pris à nouveau. Honorables sénateurs, les agents de police ne sont pas des agents de conservation. Ils ne sont pas censés marquer les criminels aux fins de futures études.

Certains disent que l'emprisonnement ne corrige pas les criminels, qu'il ne fait que coûter des millions de dollars aux contribuables canadiens. J'ai entendu des sénateurs et des députés déclarer la même chose. Honorables sénateurs, les crimes contre la propriété coûtent cher aux Canadiens, non seulement en argent, mais aussi du fait qu'ils ne se sentent pas en sécurité dans leur maison, ce qui est pire encore, à mon avis.

L'invasion des maisons privées et les introductions par effraction doivent être prises davantage au sérieux. Elles exigent l'attention immédiate du gouvernement et non seulement de belles promesses. Protégeons les innocents et soyons fermes avec les coupables.

 

Les droits de la personne

L'anniversaire des incidents entourant la conférence de l'APEC à Vancouver

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais me joindre à mes collègues de l'autre côté et adresser mes sincères condoléances à la famille du regretté Michel Trudeau. Que son âme repose en paix.

Je voudrais souligner aujourd'hui l'anniversaire de l'atteinte portée il y a un an, lors du sommet de l'APEC à Vancouver, aux droits humains fondamentaux. Comme nous le savons, les dirigeants des pays de la région Asie-Pacifique s'étaient réunis pour discuter des moyens d'arriver à une libéralisation de l'économie et à la prospérité mutuelle. Les participants à cette conférence regroupaient des dirigeants de gouvernements démocratiques qui respectent les droits universels de la personne et d'autres dirigeants, comme le général Suharto, qui ne le font pas.

Suharto avait accepté de venir à cette conférence à condition que le premier ministre Chrétien lui promette d'empêcher toute manifestation qui pourrait l'embarrasser. Néanmoins, des étudiants de l'Université de la Colombie-Britannique, où se tenait la conférence, avaient tenu à manifester pour protester contre le rôle joué par ce terrible dictateur dans le génocide du Timor oriental.

Le 25 novembre 1997, dernier jour de la conférence, alors que le cortège de voitures qui transportaient les dirigeants traversait le campus de l'Université de la Colombie-Britannique, les manifestants étaient nombreux. Les agents de la GRC, agissant soi-disant sous les ordres directs du premier ministre et de son cabinet, neutralisèrent les manifestants. Des douzaines d'étudiants furent arrêtés, aspergés de poivre et physiquement agressés pour des actes aussi bénins que porter une pancarte sur laquelle on pouvait lire «Liberté de parole». Plusieurs furent détenus sans jamais être inculpés. On usa de violence et de tactiques d'intimidation qui portent atteinte à la personne, comme la fouille à nu, pour réduire au silence des étudiants qui voulaient faire part d'un important message.

Il est triste et paradoxal que cette manoeuvre visant à la suppression de droits fondamentaux de la personne se soit déroulée à la veille de la célébration du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Il est également triste, honorables sénateurs, de constater le peu de renseignements divulgués sur les ordres qui ont incité des agents de la GRC à s'en prendre aux manifestants. Plus triste encore est l'apparent manque de compréhension, chez le premier ministre, de l'énormité de ce qui s'est passé il y a un an jour pour jour.

Au fur et à mesure que la saga de l'APEC se poursuit, il devient manifeste que les droits fondamentaux de certains Canadiens ont été bafoués à Vancouver l'année dernière. Nous félicitons tous ceux qui, face aux abus dont ils ont été victimes, ont eu le courage de dénoncer pareil traitement. Au lieu de jouer un rôle moteur dans le domaine des droits de la personne, un rôle qui a fait connaître avantageusement le Canada au niveau international, le gouvernement a cru bon d'admettre des étrangers armés venus jouer les brutes en sol canadien. Voilà qui est tout à fait inacceptable.

(1350)

Plutôt que défendre les droits et libertés de parole, d'expression et d'assemblée que la Constitution garantit à chacun de nous, notre gouvernement a laissé des abuseurs des droits de la personne nous dicter la façon de nous comporter envers nos propres citoyens. Après cela, on a toutes les raisons de craindre car ne dit-on pas: «Qui se ressemble s'assemble»?

En ce premier anniversaire des violations des droits de la personne lors du sommet de l'APEC, arrêtons-nous pour réfléchir un instant à la façon dont on a alors porté atteinte aux droits de ces Canadiens innocents, afin d'encourager le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que cela ne se reproduise plus.

 

L'interdiction des essais nucléaires

Félicitations à la chaîne anglaise de la Société Radio-Canada d'avoir diffusé un documentaire

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le Sénat a adopté hier à l'étape de la troisième lecture le projet de loi C-52, Loi portant mise en oeuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Dans leurs interventions, ceux qui ont pris part au débat, moi y compris, ont parlé des problèmes d'application du traité, de questions de défense et de sécurité ainsi que de stratégies politiques.

Je félicite la chaîne anglaise de la SRC et l'émission The Journal d'avoir diffusé hier un documentaire sur le principal site d'essais nucléaires de l'ancienne Union soviétique, au Kazakhstan. Ce documentaire a révélé l'ampleur des répercussions désastreuses des essais nucléaires pour les gens habitant dans la région touchée. L'espérance de vie y a diminué. Les cancers se sont accélérés à cause de l'effondrement du système immunitaire, ce qui ne permet pas les traitements du cancer même si ce pays en proie aux difficultés économiques avait les moyens de les offrir. Cet excellent documentaire faisait remarquer en détails crus que les essais nucléaires ne révéleront pas en fin de compte qui a raison en guerre, mais quelles en seront les conséquences.

Je félicite la chaîne anglaise de la SRC de cet excellent exemple de journalisme qui devrait nous rappeler à tous cette réalité.

 

Les droits de la personne

L'anniversaire des incidents entourant la conférence de l'APEC à Vancouver

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, un an après que des étudiants ont été harcelés, aspergés de gaz poivré, battus et arrêtés lors du sommet de l'APEC à Vancouver, les Canadiens ne sont pas plus près d'apprendre la vérité à propos du rôle du premier ministre dans l'établissement des dispositifs de sécurité. Il est intéressant de noter que, depuis quelques mois, les agents des «forces des ténèbres» sont passés à l'offensive contre les témoins de l'implication du cabinet du premier ministre et contre les plaignants étudiants aux audiences. Ils n'ont épargné aucun effort pour museler la capacité de la presse de faire librement ses reportages. J'évoque par exemple la SRC.

Depuis que la Commission des plaintes du public a débuté ses travaux en octobre dernier, ses audiences ont beaucoup attiré l'attention. Cela pose un danger cependant, honorables sénateurs, puisque les Canadiens risquent de perdre de vue le véritable objet de l'enquête: le rôle joué par le premier ministre.

Il existe des preuves irréfutables qui montrent que le cabinet du premier ministre est intervenu de très près dans l'élaboration des mesures de sécurité mises en place au sommet de l'APEC, afin d'éviter au dictateur indonésien Suharto de se retrouver dans l'embarras. Lorsque le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, s'est rendu à Jakarta en juillet 1997, le ministre des Affaires étrangères de l'Indonésie lui a dit que Suharto boycotterait le sommet de l'APEC si les manifestants ne pouvaient pas être contrôlés et s'ils portaient atteinte à la dignité du président. En réponse à la menace faite par Suharto, le premier ministre lui a écrit ce qui suit:

J'ai ordonné à mes fonctionnaires de ne ménager aucun effort pour s'assurer que des mesures de sécurité et autres dispositions adéquates soient prises en vue de votre séjour au Canada à titre d'invité.

Une note de service de la GRC confirme l'implication du cabinet du premier ministre dans l'adoption des mesures policières, dans les termes suivants:

 

[...] le périmètre de sécurité visant les manifestants à l'Université de la Colombie-Britannique devra être modifié. Le premier ministre tient expressément à ce que l'endroit soit un lieu de retraite pour les dirigeants et que ces derniers ne soient pas dérangés par des manifestations, et cetera.
Même le Bureau du Conseil privé a fait savoir que le premier ministre tenait à être consulté personnellement au sujet des mesures de sécurité.

Si la GRC agissait sous les ordres du premier ministre ou du personnel de son cabinet, cela pourrait avoir des répercussions très graves pour la démocratie au Canada. Cela aurait pour effet de réduire à néant le principe qui veut que les partis politiques représentés au Parlement ne peuvent utiliser les forces policières à des fins partisanes ou pour servir leurs intérêts politiques. En outre, pareilles actions porteraient vraisemblablement atteinte à la liberté de réunion, d'expression et de manifestation que la Constitution reconnaît aux Canadiens.

À moins d'avoir une enquête fédérale sur les incidents concernant le sommet de l'APEC, il y a peu de chance que les Canadiens puissent jamais savoir le rôle précis que le cabinet du premier ministre y a joué. La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ne régit pas la conduite du premier ministre ou de son cabinet. Cette question devrait inquiéter tous les Canadiens. Les incidents survenus l'année dernière mettent en cause les fondements mêmes de la démocratie, de l'obligation redditionnelle et des droits de la personne au Canada.

 


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur le financement des petites entreprises du Canada

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-53, Loi visant à accroître la disponibilité du financement de l'établissement, de l'agrandissement, de la modernisation et de l'amélioration des petites entreprises.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dumardi 1er décembre 1998.)

 

La violence familiale

Avis d'interpellation

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 57(2), je donne avis que, mardi prochain, le 1er décembre, j'attirerai l'attention du Sénat sur le problème de la violence familiale dans notre société et, en particulier, sur la nécessité de coordonner nos efforts pour trouver des solutions aux divers aspects de cette forme de violence.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les anciens combattants

Le traitement équitable des anciens combattants de la marine marchande-L'état d'avancement du projet de loi d'initiative sénatoriale-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'avais une question à poser à madame le leader adjoint, mais comme elle n'est pas à sa place, je la poserai au leader du gouvernement au Sénat. Après tout, il a de larges épaules. Il fait cela depuis longtemps.

Il y a exactement une semaine, le sénateur Perrault a parlé assez éloquemment - et je le remercie de ses bons mots - sur le projet de loi S-19 d'intérêt privé visant à reconnaître les services rendus par la marine marchande durant la guerre. Madame le leader adjoint a ajourné le débat, et j'ai bien l'impression qu'elle n'a nullement l'intention de le reprendre, de sorte que je voudrais lui poser une question ou deux sur la politique et la position du gouvernement, la sienne en particulier. Le leader et le leader adjoint peuvent concocter ensemble une réponse. Peu importe qui répondra, pourvu que l'un d'eux le fasse.

Le gouvernement approuve-t-il les principes sur lesquels se fonde le projet de loi S-19? Dans l'affirmative, pourquoi ne pas le laisser passer à l'étape de la deuxième lecture afin qu'il puisse être étudié en comité? Si le sénateur Perrault avait raison de dire que l'idée de rétroactivité pouvait causer un problème de financement, je suis convaincu que les légistes, les rédacteurs du gouvernement, le personnel de la Bibliothèque du Parlement et le très grand nombre de personnes qui ont soigneusement étudié la question et la formulation du projet de loi pendant plusieurs mois l'auraient remarqué. En dernière analyse, je soupçonne qu'il n'y avait rien de tel, mais nous aurions tout de même pu nous y arrêter en comité.

(1400)

Pourquoi le gouvernement hésite-t-il à proposer les amendements voulus? Quand le gouvernement prévoit-il présenter à l'autre endroit le projet de loi sur les marins marchands, dont nous avons entendu le ministre des Anciens combattants parler dernièrement? Puisqu'il ne reste peut-être qu'une ou deux semaines avant l'ajournement de Noël et que la session sera peut-être prorogée en janvier ou au début de février, ne serait-il pas logique de terminer l'étude du projet de loi déjà rédigé, en l'amendant comme le souhaite le gouvernement, puis de l'envoyer à la Chambre des communes pour qu'il soit adopté avant l'ajournement, probablement le 7 décembre 1998?

Se pourrait-il que le gouvernement n'ait pas du tout l'intention de répondre aux demandes des anciens combattants membres de la marine marchande et qu'il soit décidé à temporiser jusqu'à l'ajournement des fêtes de manière à négliger une fois de plus la contribution d'un groupe d'anciens combattants?

L'honorable Roch Bolduc: C'est une bonne question!

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai clairement entendu le sénateur Bolduc dire que c'était une bonne question. Je parlerais plutôt de questions au pluriel. Le sénateur a posé beaucoup de questions intéressantes.

Le sujet reste au Feuilleton et tout honorable sénateur qui veut en parler est libre de le faire. Le sénateur Forrestall a présenté le projet de loi d'initiative parlementaire avec beaucoup d'éloquence et mon collègue, le sénateur Perrault, lui a répondu avec tout autant d'éloquence.

Je crois comprendre que le ministre des Anciens combattants a rencontré personnellement les marins de la marine marchande aujourd'hui. Je crois comprendre qu'ils rencontreront le comité pertinent de l'autre endroit demain. De plus, si je ne m'abuse, le gouvernement a bien l'intention de les aider. On se penche sur la situation et on est conscient des difficultés des marins marchands. Le gouvernement va présenter un projet de loi d'ensemble sous peu, peut-être dès la semaine prochaine. Je n'ai pas ma boule de cristal devant moi, mais j'ai espoir que le projet de loi sera présenté très prochainement.

 

L'état d'avancement du projet de loi d'ensemble sur les anciens combattants-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je sais que nous vivons tous d'espoir. Parfois, c'est tout ce que nous avons.

Je voudrais poser la question suivante au leader du gouvernement: quelle est la position du gouvernement si cette mesure n'est pas présentée à la Chambre des communes la semaine prochaine? Il n'y a aucune possibilité pour que le Parlement en soit saisi demain ou après-demain. À moins que la Chambre des communes n'étudie rapidement cette mesure, elle ne nous parviendra pas avant l'ajournement. Étant donné qu'une prorogation est possible, que se passera-t-il alors?

Je déteste traiter de questions hypothétiques, car il est difficile de le faire et nous devrions éviter cela dans tous les cas, mais en l'occurrence, le gouvernement demanderait-il le consentement unanime pour qu'on réinscrive cette question au Feuilleton exactement au même endroit où elle était au moment de la prorogation?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en ce qui concerne la prorogation, rien ne laisse prévoir que le gouvernement envisage cela. Toutefois, lorsqu'on examine des options, on doit examiner toutes les possibilités. La mesure législative qui sera proposée contiendra des modifications de fond qui amélioreront certains des avantages offerts aux anciens combattants admissibles, y compris ceux de la marine marchande. J'espère que nous n'aurons pas trop longtemps à attendre, sénateur Forrestall, avant de savoir au juste ce que le gouvernement propose. J'espère que cela va se produire cette semaine.

Le sénateur Forrestall: Il est tout à fait pertinent et opportun que nous examinions de près toute indemnisation rétroactive que le gouvernement pourrait proposer. Nous devons prendre soin de ne pas compromettre certains droits que ces vétérans peuvent avoir en matière de logement. J'essaie de trouver une explication raisonnable à ce retard. Si les difficultés sont de cet ordre, vous pouvez nous le dire, et, dès que le problème sera résolu, nous pourrons nous occuper de la question de fond qui se pose à nous et qui devient de plus en plus pressante. Il commence à faire froid et ces messieurs entament une grève que nous croyions terminée il y a un mois. Je le déplore et j'espère que tous le déplorent autant que moi.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne connais pas les détails du projet de loi qui sera proposé. Cependant, ce projet de loi d'ensemble modifiera la législation sur les anciens combattants dans l'intérêt de tous les anciens combattants, y compris ceux de la marine marchande. Ainsi, certaines modifications amélioreront les conditions d'admissibilité à ce qu'on appelle l'allocation pour incapacité exceptionnelle, et il y aura une allocation pour couvrir les frais d'une aide pour les anciens combattants qui touchent déjà une indemnisation de prisonnier de guerre. Ces modifications supprimeront un obstacle juridique qui empêche les survivants de certains prestataires de pension d'invalidité d'obtenir des montants bonifiés. Je ne connais pas avec certitude toute la teneur du projet de loi, mais on peut s'attendre à ce que certaines des dispositions que je viens d'énumérer s'y trouveront.

Une voix: Ce sera un excellent projet de loi.

 

Les droits de la personne

Le traitement infligé aux manifestants lors de la conférence de l'APEC à Vancouver-L'absence d'excuses du premier ministre-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le premier ministre est connu depuis longtemps pour éviter d'employer l'expression «je suis désolé.» Tout comme le Fonz, dans la série télévisée Happy Days, qui ne pouvait prononcer le mot «erreur», le premier ministre ne peut prononcer les mots «je suis désolé». Pourtant, il a obligé le ministre des Finances, Paul Martin, à s'excuser de ne pas avoir tenu sa promesse de supprimer la TPS et il a également obligé Sheila Copps à s'excuser au sujet de cette promesse non tenue. Cependant, le premier ministre n'a jamais pu admettre qu'il a induit les Canadiens en erreur. Le bilan honteux du gouvernement dans l'affaire des Airbus n'a pas non plus suscité des excuses de la part du premier ministre. On observe actuellement la même tendance en ce qui a trait au scandale de l'APEC. Le premier ministre se refuse à employer l'expression «je suis désolé».

Nous savons qu'il est impossible de régler un problème sans avoir admis son existence. Même devant la démission d'un ministre, le premier ministre s'est gardé de s'excuser. Quand le premier ministre présentera-t-il des excuses officielles pour les souffrances qu'ont endurées les manifestants lors de la conférence de l'APEC, l'année dernière?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, si le premier ministre le voulait, il le ferait lui-même. Le premier ministre souhaite vivement que la Commission des plaintes du public puisse accomplir son travail. Nous pensions que la prochaine étape importante se déroulerait aujourd'hui et que la Commission des plaintes du public poursuivrait ses audiences, mais elles ont été reportées à demain. La Cour fédérale doit se pencher sur plusieurs questions.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, nous sommes témoins d'une situation intéressante, où s'ajoute à la violation des droits de la personne celle des droits des parlementaires. La Commission des plaintes du public n'a rien à voir avec la conduite du premier ministre et de ses collaborateurs en ce qui concerne l'affaire de l'APEC. Il incombe au premier ministre et à son cabinet, ici, au Parlement, de nous expliquer ce qui s'est passé.

(1410)

Ce n'est pas la responsabilité de la commission. Elle a pour mandat de faire enquête sur la GRC, et non sur le cabinet du premier ministre. Le premier ministre doit être franc envers les Canadiens et régler cette question une fois pour toutes devant ses collègues au Parlement du Canada.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, la Commission des plaintes du public a été établie...

Le sénateur Berntson: Pour faire enquête sur les plaintes contre la GRC.

Le sénateur Graham: ... en vertu d'une loi du Parlement sous le gouvernement précédent. Comme je l'ai dit hier, le chef de cabinet du premier ministre et son ancien directeur des opérations ont tous deux offert de témoigner devant la Commission des plaintes du public. Je suggère que nous laissions la commission faire son travail. Nous verrons ce qui arrivera demain. Espérons qu'elle pourra recommencer à entendre des témoins et que tout cela se fera le plus rapidement possible.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, je ne comprends pas. Si aucune responsabilité n'est assumée devant le Parlement à l'égard des actions du premier ministre, alors peut-être l'ancien solliciteur général avait-il raison lorsqu'il a dit dans l'avion que la GRC serait obligée d'accepter le blâme. En restant muet, le premier ministre dit aux Canadiens que c'est effectivement la GRC qui est fautive et qu'il n'a joué aucun rôle dans cette affaire.

Je ne suis pas dupe. Personne n'est dupe. Le premier ministre a manqué à son devoir en fermant les yeux sur le problème et en ne discutant pas de la question avec le solliciteur général avant le sommet de l'APEC. Si le premier ministre est intervenu directement sans passer par le solliciteur général, il a abusé alors de son pouvoir et de son autorité en tant que premier ministre. Il doit être franc et dire aux parlementaires ce qui s'est passé exactement. Il ne doit pas se cacher derrière l'enquête de la Commission des plaintes du public en Colombie-Britannique.

Le sénateur Graham: Le sénateur n'a pas posé de question, mais je vais quand même faire une remarque. Le premier ministre ne se cache pas. C'est un homme honorable qui dirige le Canada, tant sur la scène nationale que sur la scène internationale, avec beaucoup de succès, avec dignité, avec grâce et avec une force que nous n'avons pas vue depuis longtemps.

 

Le solliciteur général

La commission d'enquête sur le traitement infligé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-Le statut des employés du Cabinet du premier ministre au regard de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat reconnaît-il maintenant que M. Jean Carle, ex-employé du cabinet du premier ministre, est un employé visé par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, étant donné que la Commission des plaintes du public contre la GRC ne peut enquêter que sur la conduite des personnes qui sont employées sous le régime de cette loi?

Nous avons été heureux d'appuyer cette disposition dans le projet de loi. Au paragraphe 45.35(1), il est question d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC.

Honorables sénateurs, le leader est-il en train de nous dire que Jean Carle a été nommé conformément à la Loi sur la GRC, ou bien est-il en train de nous dire, en fait, que la commission ne peut pas enquêter sur sa conduite?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Au contraire, honorables sénateurs. M. Carle n'est pas assujetti à la Loi sur la GRC, mais, de son propre chef, il a dit qu'il était prêt à témoigner sur n'importe quel aspect de sa participation au sommet de l'APEC, à Vancouver. De son propre chef, il s'est porté volontaire pour participer à l'enquête. Je pense que nous devrions féliciter MM. Carle et Pelletier de l'initiative qu'ils ont prise à cet égard.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, comment le leader du gouvernement explique-t-il le fait que la loi du Parlement sur laquelle le gouvernement s'appuie en l'occurrence prévoit que seule la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi, peut faire l'objet d'une enquête par la Commission des plaintes du public contre la GRC? La conduite de personnes qui ne sont pas employées sous le régime de cette loi ne peut faire l'objet d'une enquête par cette commission. Que nous dit le leader, en l'occurrence? Le gouvernement invente-t-il de nouvelles règles en cours de route, ou se conforme-t-il à la loi? De toute évidence, il ne peut pas jouer sur les deux tableaux.

Le sénateur Graham: La Commission des plaintes du public a été créée par une loi du Parlement. Elle est libre de convoquer tous les témoins qu'elle désire entendre.

Le sénateur Kinsella: Elle enquête sur la conduite de qui?

Le sénateur Graham: Quel est le problème? Avez-vous peur du témoignage que pourraient faire MM. Pelletier et Carle?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, ce sont les Canadiens qui ont peur. Ils craignent une grosse entreprise de camouflage. On présume que les Canadiens ne s'en doutent pas.

L'article 45.35 de la Loi sur la GRC, que les honorables sénateurs peuvent lire s'ils le désirent, le précise. La loi prévoit que la conduite des gens engagés en vertu de la Loi sur la GRC peuvent faire l'objet d'une enquête de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Je crains que la conduite de MM. Carle et Pelletier ne soit pas examinée par un tribunal indépendant, et la Commission des plaintes du public ne peut certainement pas le faire.

Le sénateur Graham: J'ai le plus grand respect pour les recherches que fait régulièrement le sénateur Kinsella, mais là, il présente les faits à l'envers. La Commission des plaintes du public a été créée par une loi du Parlement qu'avait présentée le gouvernement précédent. Elle est reconnue au Canada et dans le monde comme étant l'un des organismes les plus efficaces du genre.

Cette affaire est très importante. Elle a capté l'attention des Canadiens d'un océan à l'autre. On laisse maintenant entendre - c'est ce que je conclus d'après les questions du sénateur Kinsella - que le chef de cabinet du premier ministre et l'ancien directeur des opérations ne devraient pas témoigner pour préciser le rôle ou les rôles qu'ils auraient pu jouer avant et pendant la conférence de l'APEC. Selon moi, de tels témoignages seraient utiles.

Nous devrions être reconnaissants que deux personnes occupant des postes aussi importants se soient portées volontaires pour témoigner devant la commission et pour être questionnées par l'avocat de la commission sur leur rôle ou sur celui d'autres membres du personnel du cabinet du premier ministre.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, c'est un point intéressant, mais si des gens du cabinet de premier ministre comparaissent devant la commission, le font-ils à titre personnel ou à titre de porte-parole du premier ministre?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, cela fait partie du processus judiciaire appliqué ici, comme le mentionnait l'honorable sénateur Grafstein. La Commission des plaintes du public peut convoquer tous les témoins qu'elle veut entendre. Comme leurs noms revenaient souvent, le chef de cabinet et le directeur des opérations ont voulu offrir de leur plein gré leur témoignage. À mon avis, ils devraient être félicités d'agir en bons citoyens canadiens. Puisqu'ils occupent des postes clés au cabinet du premier ministre, ils pourront, je crois, faire la lumière sur toute cette affaire. Nous devrions permettre à la commission de poursuivre ses travaux afin que nous puissions tous découvrir ce qui s'est produit à ce moment-là.

 

La commission d'enquête sur le traitement infligé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-La responsabilité du dépôt de l'affidavit à l'origine de la démission du ministre-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, l'édition du Globe and Mail d'aujourd'hui renferme un message inquiétant pour tous ceux qui oseraient défier la volonté du cabinet du premier ministre. L'article commence par cette affirmation:

Les pontes du cabinet du premier ministre font des pieds et des mains pour déterminer qui a trahi Andy Scott, furieux qu'ils sont d'avoir perdu un ministre à cause d'un affidavit malavisé qu'a déposé l'avocat du gouvernement.

L'article parle d'un libéral travaillant dans le cabinet du premier ministre, qui aurait dit que c'est l'affidavit de Fred Toole qui avait conduit à la démission d'Andy Scott.

Qui a autorisé l'avocat du gouvernement fédéral, Ivan Whitehall, à déposer l'affidavit de M. Toole à l'enquête sur l'APEC? Lorsque cette personne aura été identifiée, est-ce qu'elle fera l'objet de sanctions?

(1420)

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): C'est un autre exemple de la transparence du cabinet du premier ministre et de la manière dont il fonctionne, puisque l'avocat du gouvernement a pu prendre l'initiative de faire déposer l'affidavit de M. Toole, avec les conséquences que nous savons.

Le sénateur Stratton: Je vous ai déjà entendu étirer la vérité, mais cette fois, c'est spectaculaire.

Si cette personne est protégée par le privilège avocat-client, il est raisonnable de supposer que l'identité de la personne qui a ordonné le dépôt de l'affidavit de M. Toole à l'enquête restera secrète et, d'après cette prémisse, il est logique de dire que toute mesure de rétorsion contre cette personne serait une atteinte au privilège?

Le sénateur Graham: Le sénateur Stratton pourrait peut-être nous aider tous, car il a tous les renseignements. Il a lu un document quelconque. Est-ce M. Whitehall qui a demandé à M. Toole de déposer un affidavit? Est-ce la réponse à la question? Si c'est la réponse à la question, alors M. Whitehall a agi de sa propre...

Le sénateur Berntson: Alors il devrait être remercié.

Le sénateur Graham: ... initiative à titre d'avocat et il a fait déposer l'affidavit comme il se doit.

 

La commission d'enquête sur le traitement infligé par la GRC aux manifestants lors de la conférence de l'APEC-Le pouvoir de la commission d'examiner la conduite d'autres personnes-La position du gouvernement

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, la Commission des plaintes du public et le comité d'examen externe ont tous deux été créés par le gouvernement pour deux raisons précises. La Commission des plaintes du public devait permettre à la population de déposer des plaintes sur des questions concernant la GRC, tandis que le comité d'examen externe est un organisme qui a été mis sur pied pour permettre à la GRC d'examiner les questions qui la concernent.

Même si le directeur des opérations et le chef de cabinet du premier ministre viennent témoigner, ce sont les actions de la GRC qui sont examinées par la commission et rien n'autorise celle-ci à examiner les actions d'employés du cabinet du premier ministre.

Le leader du gouvernement a déclaré que le premier ministre ne se cache pas. Si c'est la vérité, pourquoi n'autorise-t-il pas une commission d'enquête en bonne et due forme à découvrir la vérité dans cette affaire au lieu de se cacher derrière la Commission des plaintes du public?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Pourquoi avez-vous créé en premier lieu la Commission des plaintes du public? Vous avez mis sur pied la Commission des plaintes du public justement pour qu'elle examine le genre de problème que nous avons aujourd'hui.

Le sénateur LeBreton laisse entendre que la Commission des plaintes du public et ses membres ne possèdent pas la capacité voulue pour mener un tel examen. Je répète que la commission jouit d'une réputation sans égale parmi des commissions analogues, tant au Canada qu'à l'étranger. Je propose encore une fois que nous laissions la commission effectuer son travail.

Le sénateur LeBreton: Je vous remercie du compliment. Il s'agit d'une bonne commission, mais elle a été créée expressément pour permettre à la population de faire examiner des questions concernant la GRC. Le fait est que cet organisme n'a aucun mandat pour examiner le rôle qu'ont joué le premier ministre et le cabinet du premier ministre.

Ce qui est troublant au sujet de l'article du Globe and Mail d'aujourd'hui, c'est que ces gens ont été découverts. Ils ont été attrapés. Ils sont furieux parce que cet affidavit les a confondus.

Aujourd'hui, sur Newsworld, des questions ont été posées dans le cadre d'une tribune téléphonique. Le public commence a prêter attention à la chose et il veut une enquête judiciaire indépendante.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais des précisions, pour que nous comprenions tous l'autorité de la Commission des plaintes du public. Dois-je comprendre des propos du leader du gouvernement que la commission est autorisée à examiner la conduite de personnes qui ne sont pas des agents de la GRC?

Le sénateur Graham: Oui, dans la mesure où cela a un rapport avec des événements impliquant la GRC.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Kinsella a cité la loi. Soit dit en passant, la Commission des plaintes n'a pas été créée par une loi spéciale, mais par une modification à la Loi sur la GRC qui explique exactement le rôle de la Commission des plaintes du public contre la GRC. C'est théoriquement un organisme indépendant de la GRC, laquelle relève du solliciteur général. Le but de la commission est d'examiner les plaintes du public contre des agents de la GRC et personne d'autre. Comment une commission d'examen des plaintes contre un service de police peut-elle avoir le pouvoir d'examiner des plaintes contre d'autres personnes? Nous avons des commissions civiles et des commissions policières, responsables d'examiner le comportement et la mauvaise conduite éventuelle des membres du corps policier dont elles sont responsables. Le rôle de la Commission des plaintes contre la GRC se limite à ce corps policier.

Je ne peux pas comprendre comment le sénateur Graham peut voir dans la loi que la Commission des plaintes du public a le pouvoir de porter un jugement sur la conduite d'autres personnes que les agents de la GRC, et je ne comprends vraiment pas comment M. Carle et M. Pelletier peuvent entrer dans ce cadre.

Le sénateur Graham: Même si M. Pelletier et M. Carle ont offert d'aller témoigner, il se peut très bien, comme j'en suis convaincu, que les membres de la commission décident, dans leur sagesse, qu'ils ne veulent pas entendre M. Carle ni M. Pelletier. Si tel est le cas, très bien. C'est aux membres de la commission qu'il incombe de prendre cette décision. Ils prendront cependant leur décision parce que ce sont toutes des personnes respectées et qui connaissent bien les lois, de même que la loi sous l'égide de laquelle elles exercent leurs fonctions. Je respecte leur jugement. Les membres de la commission seront en mesure de déterminer si M. Carle et M. Pelletier devraient comparaître ou non devant la commission et si ces derniers peuvent témoigner à propos d'actions se rapportant à la conduite de la GRC à cette occasion.

 

Les Nations Unies

Les raisons de l'abstention de voter sur la résolution de la coalition pour un nouveau programme d'action en vue de l'élimination des armes nucléaires-La position du gouvernement

L'honorable Douglas Roche: J'adresse ma question au leader du gouvernement au Sénat. Nous avons adopté hier le projet de loi C-52 à l'étape de la troisième lecture, mais il reste encore du travail à faire. Je veux parler de la résolution présentée par la coalition pour un nouveau programme d'action, sur laquelle le Canada s'est abstenu récemment de voter à la Commission de l'ONU sur le désarmement, et sur laquelle l'Assemblée générale sera appelée à se prononcer le 3 décembre.

J'ai déjà demandé une explication, que je n'ai pas encore reçue, pour savoir quelles dispositions au juste de la résolution avait empêché le Canada de l'appuyer. J'ai ici le texte de la résolution et je l'ai étudiée. Elle demande aux États dotés d'armes nucléaires à s'engager sans équivoque à entamer des négociations en vue d'éliminer les armes nucléaires.

Comme le sénateur Andreychuk l'a déclaré hier, la résolution a reçu beaucoup d'appuis au Sénat. Je n'arrive pas à croire que des sénateurs libéraux pourraient s'opposer à une résolution qui cadre parfaitement avec la politique sur le désarmement nucléaire ébauchée dans le livre rouge libéral.

Puisque 97 pays, soit la majorité des pays, se sont déjà prononcés en faveur de la résolution, le leader du gouvernement peut-il dire au Sénat quels mots ou quel passage du texte empêchent le Canada de l'appuyer? Peut-il aussi porter la question à l'attention des autorités compétentes pour que le Canada change son vote et dise oui à la résolution le 3 décembre?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): J'ai promis au sénateur Roche que j'essaierais de préciser la réponse que j'ai donnée il y a quelques semaines. Je disais alors que je ne pensais pas que la résolution allait assez loin pour satisfaire aux exigences du Canada.

(1430)

J'avais promis que je communiquerais avec le sénateur à ce sujet, mais je regrette de n'avoir pu présenter une réponse satisfaisante à la question légitime du sénateur Roche. Cependant, je prends note de ce qu'il a dit au sujet du vote du 3 décembre et il peut avoir l'assurance que je porterai sa requête et celle d'autres honorables sénateurs à l'attention de ceux qui doivent décider comment le Canada doit se prononcer.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je remercie le leader du gouvernement. J'espère qu'il ne se formalisera pas de mon insistance, mais j'interviens au nom de 92 p. 100 des Canadiens qui veulent que le gouvernement du Canada joue un rôle de premier plan dans ce dossier.

Le leader du gouvernement peut-il nous donner l'assurance que le gouvernement du Canada a évalué le mérite de la résolution sur la coalition pour un nouveau programme et que sa décision n'était pas le résultat de pressions de la part d'un État nucléarisé?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, la réponse à la première question est certainement oui, tandis que la réponse à la deuxième question est non.

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la défense nationale

Projet de loi modificatif-Adoption du rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du quinzième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence, avec une modification et des observations), présenté au Sénat le 24 novembre 1998.

L'honorable Lorna Milne propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour discuter du quinzième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, lequel traite du projet de loi C-25, visant à modifier la Loi sur la défense nationale et d'autres lois en conséquence.

Le comité appuie de façon générale le projet de loi C-25 puisqu'il contient des changements qui s'imposent à la Loi sur la défense nationale, qui n'a pas été modifiée de façon substantielle depuis son adoption en 1950. Nous reconnaissons également que le système de justice militaire est unique et qu'il doit fonctionner indépendamment du système de justice civile. Toutefois, le comité conserve quelques préoccupations en ce qui a trait à certaines des modifications proposées par le projet de loi C-25 au système de justice militaire.

Le système de justice militaire doit fonctionner de façon indépendante, objective et efficace et être perçu de la sorte. Après avoir modifié l'article 96 du projet de loi pour assurer la tenue de révisions régulières et indépendantes des dispositions de la mesure législative proposée, le comité estime que le ministère de la Défense nationale devrait avoir tenu compte de ses préoccupations au cours de la première période de révision législative, si ce n'est avant.

Le comité s'inquiète tout d'abord de l'article 42 du projet de loi. Nous apprécions les mesures prises pour renforcer l'indépendance des juges militaires. On prévoit notamment qu'ils peuvent être nommés par le gouverneur en conseil, comme tous les autres juges fédéraux, et on porte à cinq ans la période pour laquelle ils sont nommés. De plus, on a établi des comités consultatifs spéciaux pour la nomination des juges militaires, le renouvellement de leur mandat et leur rémunération. Cependant, nous sommes encore inquiets du fait que les mandats des juges militaires sont renouvelables. De plus, il semble qu'aux termes de l'article 42, le choix des membres du comité d'examen proposé et les critères à suivre pour confier un nouveau mandat puissent être décidés simplement par règlement. Le comité croit fermement que des questions aussi importantes devraient être précisées clairement pour éviter toute ingérence réelle ou perçue de l'exécutif dans le processus de renouvellement du mandat.

En fait, le comité s'inquiète de façon générale des questions touchant le système de justice militaire qui seront encore mises en oeuvre au moyen de règlements - les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes. Comme les honorables sénateurs le savent, j'en suis persuadée, ces règlements n'ont pas à être publiés dans la Gazette du Canada et ne sont pas assujettis à un examen du Parlement aux termes de la Loi sur les textes réglementaires.

Le comité se préoccupe aussi des articles 42 et 82 du projet de loi. Les postes proposés de directeur des poursuites militaires et de directeur des services d'avocats de la défense semblent prévoir des mandats différents. Plus particulièrement, le comité remet en question le fait qu'une recommandation d'un comité spécial d'enquête serait nécessaire pour révoquer le directeur des poursuites militaires, mais qu'on n'offre pas une protection semblable au directeur des services d'avocats de la défense. C'est particulièrement inquiétant étant donné le fait que le directeur des services d'avocats de la défense devra assurer la défense d'accusés qui, du fait de la nature même de l'infraction possible, seront en confrontation avec la chaîne de commandement, qui comprend le ministre de la Défense nationale, la personne chargée de la nomination du directeur et du renouvellement de son mandat ou de sa révocation possible.

Troisièmement, le comité appuie la recommandation du Groupe consultatif spécial sur la justice militaire et sur les services d'enquête de la police militaire, dirigé par le regretté Brian Dickson, voulant que le Code de discipline militaire devienne un texte indépendant de la Loi sur la défense nationale. Le comité est conscient de la difficulté d'intégrer un tel changement aux nombreuses modifications contenues dans le projet de loi C-25, mais il exhorte néanmoins le ministère de la Défense nationale à donner suite à cette recommandation.

Honorables sénateurs, le ministère de la Justice doit faire droit aux attentes de votre comité, pour que l'institution que sont les Forces canadiennes réponde non seulement aux besoins particuliers du personnel militaire, mais reflète également les valeurs juridiques traditionnelles du Canada. Cet amendement fera en sorte que le Parlement puisse étudier ces questions au moins tous les cinq ans. Des examens indépendants du système pourront également aider le ministère de la Défense nationale à déterminer ses propres politiques, en obligeant le Parlement à prendre acte des préoccupations du ministère tous les cinq ans.

Honorables sénateurs, en adoptant cet amendement, nous avons amélioré le projet de loi que l'autre endroit nous a renvoyé et nous avons fait la preuve de notre utilité pour le processus législatif canadien. Une fois de plus, nous pouvons être fiers du service que nous avons rendu à la population canadienne et, dans ce cas, aux forces militaires canadiennes.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, les membres du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont eu la chance d'entendre de nombreux spécialistes des tribunaux militaires. Nous avons, au Canada, un système judiciaire fort et indépendant, qui est constitué de tribunaux au civil et au criminel, sous l'autorité ultime de la Cour suprême du Canada. Le tribunal de dernier recours a parlé des tribunaux militaires comme d'un système parallèle.

Dans l'affaire Généreux, survenue en 1992, le plus haut tribunal a statué que les tribunaux militaires, tels qu'ils étaient à l'époque, n'étaient pas aussi indépendants qu'ils devraient l'être et que leur structure ne répondait pas adéquatement aux critères établis par la Cour suprême dans l'affaire Valente. Suite à l'affaire Généreux, le système de tribunaux militaires a fait l'objet d'une réforme.

Les affaires touchant l'indépendance du pouvoir judiciaire, notamment l'affaire Î.-P.-É., l'affaire Lauzon et d'autres, ont permis de définir le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

(1440)

À mon avis, le projet de loi C-25 est un effort louable en vue de respecter le principe tel qu'il est défini. De toute évidence, il tente aussi de mettre en oeuvre le rapport du juge Brian Dickson, qui a présidé un comité spécial chargé d'améliorer le système de cour martiale au Canada.

Ce rapport est fort intéressant. Malheureusement, le très honorable Brian Dickson est mort avant le début de nos audiences. Le général Belzile et d'autres ont toutefois comparu devant notre comité et nous ont beaucoup aidés.

D'une manière générale, j'appuie le projet de loi C-25 et l'amendement proposé. De toute évidence, le ministère de la Défense nationale a accompli un travail énorme. Je tiens à l'en féliciter, bien que la situation ne soit pas encore parfaite. L'amendement proposé obligera le ministère de la Défense nationale à présenter régulièrement un rapport, ce à quoi je souscris tout à fait.

Dans son rapport, le comité explique qu'il faudra étudier plus en profondeur certaines parties du projet de loi. Un tel examen peut donner lieu à des amendements. Devrions-nous faire cela maintenant ou attendre le premier rapport qui sera déposé cinq ans après l'entrée en vigueur du projet de loi C-25? C'est là la question.

[Français]

La question se pose. Je m'interroge, par exemple, sur la raison pour laquelle les règlements ne font pas l'objet d'un examen par le comité mixte permament d'examen de la réglementation. Pour remédier à la situation, il faudrait amender la Loi sur les textes réglementaires. Mais cette loi n'est pas devant nous en ce moment. Notre comité n'a pas le mandat de modifier la Loi sur les textes réglementaires à ce moment-ci. Cependant, le projet de loi peut être amendé dans certains secteurs identifiés dans notre rapport.

Je comprends que mon collègue, le sénateur Pierre Claude Nolin, se penche actuellement sur la question pour la troisième lecture.

[Traduction]

Bref, je rappelle aux sénateurs ce qu'a si bien dit lord Ewart, en 1925, dans l'affaire Sussex, à savoir qu'il doit y avoir non seulement justice, mais aussi apparence de justice.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, le métier des armes exercé pour la défense de son pays, c'est le patriotisme ultime. Ne revient-il pas au plus haut point au Parlement de s'assurer que les personnes qui servent ainsi leur pays soient assujetties à un système de justice militaire qui soit un modèle de justice et d'équilibre? C'est le principe sur lequel repose le projet de loi C-25, qui propose une réforme en profondeur de la Loi sur la défense nationale. La tâche est complexe du fait qu'il est impérieux de maintenir la structure de commandement qui est au coeur de notre établissement de défense et, en fait, de tout établissement militaire.

Dans ce fouillis impénétrable, nous avons été guidés par le dernier rapport de commission remis à feu le juge Brian Dickson, qui avait été chargé d'envisager une réforme de notre système de justice militaire et de présenter des recommandations à ce sujet. Cette réforme considérable devait satisfaire des appétits contradictoires. Il est difficile de maintenir l'équilibre précaire qui règne entre l'efficacité militaire et la justice pour les membres de l'établissement militaire et les citoyens qu'il sert.

Le Code de discipline militaire, l'indépendance du pouvoir judiciaire et les fonctions de poursuite et d'enquête, les droits de l'accusé et des citoyens et le rôle de la structure de commandement elle-même exigent tous des principes législatifs soigneusement formulés pour atteindre l'équilibre et l'efficacité appropriés, en pleine conformité avec la Charte des droits et libertés inscrite dans la Loi constitutionnelle, telle qu'interprétée dans la jurisprudence récente, y compris celle de la Cour suprême du Canada, et telle que l'a décrite notre collègue d'en face.

Par conséquent, honorables sénateurs, ce rapport exprime nos préoccupations, et surtout la nécessité d'adopter une loi distincte sur le Code de discipline militaire, comme le recommandait le juge Dickson. Nous reconnaissons toutefois que Rome ne s'est pas bâtie en un jour. Le système de justice militaire prévu dans la Loi sur la défense nationale n'a été ni examiné, ni modifié depuis plus de 50 ans. Pendant ce temps, le mandat et les missions de la défense ont changé considérablement.

Par conséquent, honorables sénateurs, nous avons présenté nos préoccupations détaillées dans le rapport concis, que je recommande à tous les étudiants en droit. Après énumération et description de leurs préoccupations, les membres du comité ont décidé que le meilleur moyen de les régler était de permettre au nouveau système de commencer ses travaux en exigeant un examen indépendant dans cinq ans, examen qui reviendrait tous les cinq ans par la suite. De là notre unique recommandation, formulée à l'unanimité, pour la modification de cette loi. Nous croyons que cette mesure permettra que le système de justice militaire ne soit plus laissé à lui-même, comme ce fut le cas par le passé, en raison du programme parlementaire toujours trop chargé. Notre rapport servira d'aide-mémoire pour les réformes futures.

Je veux faire l'éloge des officiers et de l'ensemble des militaires qui ont travaillé fort et longtemps pour présenter au Canada un système de justice moderne et progressiste qui pourra, selon nous, devenir une source de fierté et une garantie de justice pour tous les Canadiens. C'est ce que veulent les militaires. C'est ce que méritent les forces. C'est ce que demandent les Canadiens.

En terminant, je félicite mes collègues sénateurs du comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que son président et son personnel, pour le travail assidu que nous avons accompli en spécialistes, dans un esprit non partisan, pour nous assurer que nos militaires, qui ont été négligés, aient dorénavant un système de justice transparent et équitable qui ne peut que stimuler leur fierté et leur donner la place à laquelle ils ont absolument droit.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, nous allons passer au vote sur la motion.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi amendé une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

 

Projet de loi sur la sanction royale

Étude du rapport du comité-Motion d'amendement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Bryden, tendant à l'adoption du douzième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-15, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets adoptés par les Chambres du Parlement, avec des amendements), présenté au Sénat le 18 juin 1998.

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Pépin, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour une étude plus approfondie. - (L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, cette motion restera inscrite en mon nom. Je n'ai tout simplement pas eu le temps de m'y consacrer. C'est néanmoins un sujet qui revêt une grande importance à mes yeux.

En outre, le sénateur Grafstein m'a informée qu'il avait l'intention de se prononcer sur cette motion au début de la semaine prochaine.

Honorables sénateurs, le débat sur cette question pourrait-il être ajourné au nom de l'honorable sénateur Grafstein?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette d'informer le Sénat que cela présente un problème. Le débat sur la motion ne peut être reporté au nom du sénateur Grafstein qu'avec la permission du Sénat, à moins qu'un autre sénateur ne veuille prendre la parole sur la motion.

(1450)

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Votre Honneur, je ne pense pas que cette question doive être renvoyée au comité pour un examen. Toutefois, comme le motionnaire a l'occasion de prendre la parole en dernier sur son amendement, j'écouterai ses propos avec un esprit ouvert. Quoi qu'il en soit, je pense que le comité s'est penché sur la question et qu'il en a clairement fait une étude approfondie. J'attendrai les observations du sénateur Grafstein avant de me prononcer de façon définitive sur l'amendement.

Je propose l'ajournement du débat.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai bien plus qu'un intérêt passager pour ce projet de loi, car j'en suis le parrain. Le sénateur Grafstein a déjà parlé. Je ne sais pas s'il pourra prendre la parole de nouveau à cette étape. En ce qui concerne le nombre de jours durant lesquels cette motion peut rester au Feuilleton, demain sera-t-il le premier ou le quinzième jour? J'espère qu'il y a une volonté générale de maintenir cette question en vie.

Son Honneur le Président: Le sénateur Kinsella a pris la parole sur cette question aujourd'hui, à l'instar du sénateur Cools. Par conséquent, si j'ai bien compris, nous revenons au jour un pour cette question, qui, par conséquent, reste inscrite au Feuilleton.

Il y aura, toutefois, un problème si le sénateur Grafstein veut prendre de nouveau la parole sur l'amendement puisqu'il l'a déjà fait et qu'on ne peut clore le débat sur un amendement. Toutefois, il pourra prendre la parole à nouveau si le Sénat le lui permet.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.) 


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